Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/341

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soin de faire faire à ses gens un détour immense. À quelques pas de la barrière du Maine, sous prétexte qu’ils avaient besoin de repos, il les fit coucher dans les fossés du chemin, et courut prier le chef du poste qui veillait à la barrière, de ne point les laisser sortir en armes quand ils se présenteraient. Puis, il poussa jusqu’à Montrouge où M. Comte était déjà arrivé. Le duc de Chartres partit aussitôt, précédé par MM. Boudrand et de Boismilon, pour la Croix-de-Berny où, pour lui faire donner des chevaux de poste, M. Leullier dût faire valoir sa qualité de maire. Ce jeune homme était tout tremblant, bien qu’il ignorât jusqu’à quel point il venait de courir risque de la vie. Car que serait-il arrivé si M. Étienne Arago avait fait pour le perdre tout ce qu’il fit pour le sauver ? Et qui peut dire qu’elle eût été alors la direction des événements ? Le duc d’Orléans aurait-il pu ramasser une couronne dans le sang de son fils ? Un quart d’heure gagné, un quart d’heure perdu… c’est donc à cela que tiennent les destinées d’une race ! Rude leçon donnée à l’orgueil !

Les Orléanistes ne manquèrent pas de prétendre que le duc de Chartres avait quitté Joigny pour venir mettre son épée au service de l’insurrection. Leurs adversaires affirmaient au contraire qu’il était venu prendre les ordres de Charles X. Ce qui est certain, c’est que M. Leullier, qui avait su faire d’une arrestation patriotique une hospitalité généreuse, venait de rendre en cette circonstance à la maison d’Orléans un incalculable service, qui fut vite oublié !