Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/395

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le prince. Bientôt des proclamations sont partout affichées, où on lit ces mensongères paroles : « Le duc d’Orléans n’est pas un Bourbon, c’est un Valois. » Des manifestes républicains ont paru on les déchire avec emportement, et on en représente les auteurs comme des hommes avides de pillage. A la Tribune ! à la Tribune ! s’écrient quelques voix ; et une bande d’hommes en guenilles se dirige vers les bureaux de la feuille républicaine. La salle de rédaction est envahie ; les écrivains sont couchés en joue. L’intrépidité de ces jeunes gens les sauva. Debout et calme devant ces furieux qui, de la pointe de leurs baïonnettes, touchaient presque sa poitrine, le rédacteur en chef de la Tribune, Auguste Fabre, les tenait en respect par la dignité de son maintien et la fermeté menaçante de son langage. Tant de sang-froid donna le temps à un ami d’aller chercher du secours au poste des Petits-Pères. Mais, sur la place inondée par la foule, quelques forcenés criaient pour exciter le peuple : « Qu’on fasse descendre ces républicains ! nous voulons les fusiller ! » On eut quelque peine à les sauver. M de Lafayette, averti, fit évacuer la place.

A l’Hôtel-de-Ville, le duc d’Orléans venait d’échapper au plus grand danger qu’il pût courir : il avait vu face à face ses plus redoutables adversaires. Alors seulement il est foi dans lui-même et dans l’avenir de sa race. Une heure avait suffi pour lui prouver que les hommes les plus fougueux ne tarderaient pas à s’user par leur propre violence ; que la bassesse, qui a sa contagion comme l’héroïsme, pousserait en foule vers lui les ambitieux et les scep-