Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/47

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que pour sa race. Mais il n’a pas plutôt remis au duc de Vicence le papier fatal où se trouve condamnée sa dynastie, qu’il se ravise, qu’il se repent ; et le voilà qui court après son empire cédé, comme l’enfant après le jouet perdu. Puis, quand il apprend que tout retour est impossible, que le sacrifice est devenu irrévocable, il cherche péniblement à remplacer cette grandeur réelle qui lui échappe par une grandeur factice ; il veut être philosophe ; il croit se complaire dans ses souvenirs ; il s’entretient tout haut avec les morts illustres, et commente les suicides glorieux. Comédie qu’un grand homme se donne à lui-même !

Arrive la dernière nuit qu’il doit passer à Fontainebleau. On les a dévoilés, les mystères de cette nuit ! Des bougies s’allument ; le docteur Yvan est appelé le maréchal Bertrand est averti ; des sanglots retentissent le long de la galerie sur laquelle s’ouvre l’appartement de l’Empereur. Il est en proie à d’horribles souffrances, dit-on, et depuis, on a raconté qu’il avait essayé de s’empoisonner[1]. Il est possible qu’il ait voulu s’ensevelir dans son orgueil : en cette âme sublime et profonde l’exaltation se confondait avec la ruse, et le calcul n’y excluait pas la poésie.

Au reste, le suicide l’aurait sauvé de l’agonie : car dès 1814 son rôle était fini. En se relevant, il ne pouvait que rendre sa chute plus complète.

  1. Voir le manuscrit de 1814, par le baron Pain.