Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la Révolution française avait éveillé deux sortes de passions les unes, mâles et rayonnantes, altières, dévouées ; les autres, égoïstes et mercantiles. Les premières, la cocarde tricolore les représentait mais après avoir, dans leur explosion merveilleuse, ébloui et troublé le monde, elles s’étaient enfin amorties ; surexcitées par la république, elles avaient été en quelque sorte épuisées par Napoléon. Les secondes, c’était dans Fouché qu’elles se personnifiaient. Or, à celles-ci, malheureusement, appartenait la force.

Qu’on ne s’étonne pas, après cela, si la nomination de Fouché au ministère de la police devint une des conditions de l’entrée de Louis XVIII à Paris. La bourgeoisie voulait une garantie : on la lui donna. Parmi les royalistes eux-mêmes, plusieurs regardaient cette nomination de Fouché comme un malheur nécessaire, entr’autres le bailli de Crussol, homme d’un royalisme honnête et convaincu.

Ce fut aussi le sentiment de cette nécessité qui détermina Louis XVIII à faire asseoir à son bureau celui qu’il avait maudit comme l’assassin de son frère. On en peut juger par ces paroles cyniques qu’il adressait au baron de Vitrolles, après le départ du duc de Wellington et de M. de Talleyrand pour Neuilly, où les attendait le duc d’Otrante. « Je leur ai recommandé de faire pour le mieux car je sens bien qu’en acceptant Fouché, je livre mon pucelage. »