Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/15

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à Holyrood aucun monarque ne vint, comme à Saint-Germain, au bas du grand escalier, recevoir le visiteur attendu. Au lieu d’un prince, ce fut un concierge qui parut, des clefs dans la main, et montrant d’un air dur des appartements solitaires. À la place de cette cassette remplie d’or qu’avait offerte au dernier des Stuarts la munificence de Louis XIV, on ne voyait sur la table que des papiers couverts de caractères à peine lisibles : assignations de créanciers, arrêts de saisie, qui, dans un royaume inhospitalier, attendaient déjà les fugitifs. Pas un soldat n’avait été ajouté au poste de la principale entrée, et la sentinelle ne présentait point les armes quand passait ce vieillard qui avait été un roi.

En prodiguant ou en laissant prodiguer l’outrage aux cheveux blancs d’un prince coupable, mais infortuné, l’aristocratie anglaise avait un double but : elle voulait, d’une part, se venger des préférences de Charles X pour la Russie ; et, de l’autre, elle espérait attirer à son alliance la France nouvelle qui lui faisait peur.

Tout entière à l’orgueil de son triomphe, et peu initiée aux mystères de la diplomatie britannique, la bourgeoisie française ne pénétra point le sens de cette politique artificieuse et profonde ; elle prit pour un hommage désintéressé ce qui n’était qu’un calcul d’égoïsme et une forme hypocrite donnée à des haines immortelles.

Quoi qu’il en soit, les mêmes motifs qui portaient l’Angleterre à se réjouir jetèrent le deuil à la cour de Saint-Pétersbourg. La Russie était trop éloignée du centre des idées modernes, et trop durement