Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/170

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gers, on crut remarquer des visages émus. M. Laffitte put se féliciter de sa popularité, si noblement reconquise. Il avait dit à la chambre : « Nous avons pour faire la guerre un budget suffisant ; car nous pouvons disposer d’un revenu qui représente un capital d’emprunt de 14 à 1500 millions. » Le parti national était au comble de la joie. Il ne savait pas qu’on tient faiblement compte, en diplomatie, des discours qui ne s’adressent qu’à la multitude. Quelques jours après cette séance mémorable, M. Laffitte reçut de M. de Talleyrand une lettre, relative à des intérêts privés, mais dans laquelle le diplomate avait glissé ces mots d’une insolence polie : « On a beaucoup aimé ici le discours prononcé par M. Laffitte. Il m’a été utile. » C’était la première lettre que le président du conseil recevait de notre ambassadeur à Londres, depuis leur commune entrée aux affaires. M. de Talleyrand ne correspondait qu’avec le roi.

Tel était l’état des choses, lorsqu’on apprit qu’une révolution embrasait Varsovie, révolution profonde, dont les détails méritent d’être connus : car elle tendait à renverser pour jamais les traités de 1815, et à faire passer définitivement aux mains de la France le sceptre de l’Occident.

Depuis long-temps une vive fermentation régnait en Pologne. La franc-maçonnerie politique, fondée par le généreux Dombrowski, avait fait en quelques années des progrès rapides. À l’ombre des affiliations philosophiques et littéraires, elle avait gagné la bouillante jeunesse des universités ; par la camaraderie militaire, elle avait envahi l’armée, et, par le