Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/30

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heureux. Mais, en Italie, il n’existe pas à proprement parler de classes, si ce n’est en Piémont, où la société se trouve constituée hiérarchiquement. La bourgeoisie italienne, sentait, par conséquent, qu’elle entraînerait sans peine à sa suite ce peuple dont rien ne la séparait et dont elle ne formait que l’élite. Il est certain que l’amour de l’indépendance italienne existait partout, même dans les couches inférieures de la société, sinon à l’état d’opinion, au moins à l’état d’instinct et de sentiment. Il était même des contrées de l’Italie, la Romagne, par exemple, où ce sentiment existait chez la multitude avec un rare degré d’énergie. À Gênes, chacun se souvenait encore du jour où, les Autrichiens ayant voulu forcer les habitants à contribuer à l’enlèvement d’un mortier, un enfant cria : La rompo, je la brise, cri fameux qui souleva le peuple et fit chasser de la ville, après trois jours de lutte héroïque, une multitude d’étrangers. L’indépendance de l’Italie était donc au fond de toutes les âmes. Et, d’un autre côté, ceux qui étaient naturellement appelés à se mettre à la tête du mouvement ne cherchaient la conquête de l’indépendance que dans le triomphe de l’unité. De fait, quoique l’Italie fut morcelée, et que le souvenir des luttes fédératives du moyen-âge n’y fut peut-être pas encore tout-à-fait éteint, Palerme et Naples étaient les deux seules villes entre lesquelles régnât une inimitié profonde. Gênes elle-même, qui se rappelait combien elle avait été jadis florissante et qui ne pliait qu’avec colère sous la suprématie de Turin, Gênes, ne poussait pas si loin la jalousie qu’on ne l’eût vue, lors