Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/300

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme frappé d’épouvante. La foule, effrayée, se précipite, tandis que, prévenus de ce qu’ils avaient à faire, les gardes nationaux s’élancent sur la place et s’établissent à toutes les issues. La cathédrale était sauvée.

Mais, à l’archevêché, les démolisseurs poursuivaient leur œuvre avec une fureur croissante. Témoin de cette lugubre comédie, M. Arago frémissait de son impuissance, et comme savant et comme citoyen. Convaincu, enfin, qu’il y avait parti pris, de la part du pouvoir, de favoriser l’émeute, il allait donner ordre à son bataillon d’avancer, décidé à tout plutôt qu’à une résignation grossière, lorsqu’on vint l’avertir que quelques personnages marquants, mêlés aux gardes nationaux, les engageaient à laisser faire. On lui cita particulièrement M. Thiers, sous-secrétaire d’état au ministère des finances. Il l’aperçut, en effet, se promenant devant ces ruines avec un visage satisfait et le sourire sur les lèvres.

Vers trois heures, une légion de la garde nationale parut, mais pour parader seulement autour de l’édifice ; et comme M. Arago invitait le commandant, M. Talabot, à entrer dans l’archevêché, pour que l’émeute fut du moins chassée du théâtre de ces dévastations. « J’ai ordre, répondit M. Talabot, de paraître ici et de m’en retourner. »

Rien de plus étrange que l’aspect de Paris durant cette journée. Partout les croix chancelaient au dôme des églises ; partout les fleurs de lys étaient effacées. La Seine charriait des monceaux de papiers, des étoles, des matelas, des linges blancs figurant des hommes qui se noient. Penchés sur leurs bateaux, des pêcheurs recueillaient çà et là les débris