Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/310

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tyrannie de la loi, au contraire, emprunte à la solennité de certaines formes sacramentelles un caractère de force, de fixité, qui la rend plus imposante, moins facile à détruire, et fait dépendre sa disparition non d’un accident particulier, mais d’une secousse sociale.

Plaidée vivement par les républicains, la cause du suffrage universel l’était avec non moins d’ardeur par les légitimistes. Mais comme les vues étaient différentes, les modes d’application proposés n’étaient pas les mêmes. Les légitimistes voulaient l’élection à deux degrés, bien convaincus qu’elle livrerait le gouvernement de la société aux grandes influences locales, le peuple des campagnes étant soumis à l’ascendant de la fortune par ses besoins, et à celui du clergé par son ignorance.

La bourgeoisie, dans ce qui constituait sa puissance politique, se défendit avec moins de sincérité que de passion. Les écrivains voués au triomphe définitif de ses intérêts n’hésitèrent pas à refuser au peuple cette aptitude électorale que lui avait, pourtant, reconnue Montesquieu, le premier publiciste de la monarchie constitutionnelle ; ils exagérèrent les difficultés matérielles que présenterait l’application du suffrage universel, et, faisant revivre les plus sinistres souvenirs de là terreur, sans tenir compte des circonstances exceptionnelles qui en avait fait tantôt un moyen de salut, tantôt un encouragement à l’héroïsme, ils insistèrent sur ce que la domination de la multitude a de tumultueux, de sauvage et, presque toujours, de sanglant.

Ainsi apparaissait dans tout son jour l’énorme