Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/350

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subitement enlevé par une maladie mystérieuse au moment où son apparition sur la scène politique était venue inspirer des ombrages à l’implacable diplomatie des cabinets. De son côté, le duc de Modène livrait Menotti au bourreau, et son ambition déçue se consolait par le sang versé. Le monde assistait avec étonnement à ce spectacle lugubre, et on regardait du côté de la France.

Mais le rôle providentiel de ce grand peuple semblait épuisé. Sa diplomatie, semblable à celle des plus faibles nations, s’usait en condescendances et n’osait pas même s’élever aux artifices. Nous avons laissé le général Guilleminot préparant tout à Constantinople, pour une guerre prévue. Soldat, cet homme nourrissait un sentiment très-vif de la dignité de son pays. L’embrassement de l’Europe, si on le rendait nécessaire, ne lui paraissait pas une calamité beaucoup plus terrible que le déshonneur immortel d’un peuple dont l’inviolabilité importait à la liberté du monde. Le 19 mars, l’ambassadeur français avait remis au Divan une note dans laquelle il engageait la Turquie, non pas à se déclarer précipitamment en hostilité avec les Russes, mais à se tenir prête pour les combats. Le langage de la note était à la fois habile et noble. On faisait observer à la Turquie que, pour secouer un vasselage qui lui pesait, l’occasion était favorable ; que, dans une conflagration générale, sa neutralité serait sa perte, et que prendre résolument un parti la sauverait du danger de fournir, au moyen de son territoire partagé, les indemnités de la guerre finie. Dans la situation où elle se trouvait, il fallait donc