Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/465

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clara la patrie en danger. La proclamation qu’elle adressa au peuple avait quelque chose de sublime : « Au nom de Dieu et de la liberté, au nom de la nation placée entre la vie et la mort, au nom des rois et des héros vos ancêtres qui sont tombés sur les champs de bataille pour la foi et l’indépendance de l’Europe, au nom des générations futures qui demanderont compte à vos ombres de leur servitude : prêtres du Christ, bourgeois, cultivateurs, vous tous, levez-vous en masse ! » Et à cette évocation, tous, en effet, se levèrent en masse. Un cri de désespoir, solennel, formidable, retentit dans toutes les campagnes. Les prêtres arborèrent le crucifix ; les enfants, les vieillards s’armèrent, et les paysans accoururent, brandissant leurs faulx et oubliant leurs moissons.

Ce fut au milieu de cette exaltation universelle que parut Dembinski, ramenant du fond de la Lithuanie où il était allé semer l’insurrection, les débris de sa petite armée. L’expédition commandée par Gielgud, avait été malheureuse ; soupçonné de trahison Gielgud y avait été tué d’un coup de pistolet par son aide-de-camp ; mais là, comme partout, les Polonais avaient fait des prodiges ; on y avait vu une jeune fille de vingt ans, la comtesse Plater, se mettre à la tête d’un détachement d’insurgés, et le conduire à l’ennemi. Quant à Dembinski, forcé de céder au nombre, il avait, immortalisant sa retraite, passé onze rivières, fait deux cent dix lieues de France en vingt jours, traversé de vastes forêts désertes, et il ramenait, pour un dernier combat, ses escadrons épuisés et en guenilles.