Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/117

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une plus large part des biens terrestres, c’est s’interdire le droit de maudire l’homme fort qui, aux époques de barbarie, asservissait les hommes faibles en vertu de sa supériorité physique ; c’est tout simplement transformer la tyrannie. Les saint-simoniens, il est vrai, posaient en principe qu’il est bon de stimuler le talent par la récompense, et c’était dans l’utilité sociale qu’ils croyaient puiser la justification de leur formule. Mais est-il nécessaire que la récompense soit matérielle, qu’elle s’évalue en richesses ? Il est pour l’homme, grâce au ciel, d’autres et de plus énergiques mobiles. Avec un morceau de ruban qu’il promettait d’attacher à la boutonnière des plus braves, Napoléon a fait voler au-devant de la mort une armée d’un million d’hommes. Le mot gloire, bien ou mal compris, a fait à l’univers ses destinées. Par quelle fatalité désastreuse, ce qui a suffi lorsqu’il s’agissait de détruire, ne suffirait-il pas, quand c’est de produire qu’il s’agit ? Est-ce que les grands hommes n’ont pas toujours cherché et trouvé leur principale récompense dans l’exercice même de leurs hautes facultés ? Si la société eût voulu récompenser dignement Newton, elle y eût été impuissante : il n’y avait pour Newton d’autre récompense équitable et suffisante que la joie qu’il dut ressentir quand son génie eut découvert les lois qui gouvernent les mondes. Il y a deux choses dans l’homme : des besoins et des facultés. Par les besoins, l’homme est passif ; par les facultés, il est actif. Par les besoins, il appelle ses semblables à son secours ; par les facultés, il se met au service de ses semblables. Les besoins sont l’indication que