Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/154

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans un langage simple et facile, mais d’une admirable clarté, il traitait les plus obscures questions d’économie politique ou de finances ; tantôt, armé d’une éloquence agressive et fine, il déconcertait les ministres par des interpellations inattendues, humiliait la cour par des révélations dont chacun s’étonnait, châtiait les interrupteurs par la promptitude de ses réparties, et forçait toutes les fractions d’une chambre monarchique à le désirer sur la brèche et à honorer en lui la république. Au milieu des préventions perfidement répandues contre l’opinion radicale parmi ceux qui la jugeaient sans la connaître, Garnier-Pagès eût été difficile à remplacer. Car il servait avec grâce un parti représenté comme farouche. Il se montrait ennemi de toute violence à des esprits pour qui l’idée de la république était inséparable de celle de l’échafaud, et il confondait par sa science des affaires ces prétendus hommes pratiques qui affectent de regarder comme de pures utopies tout ce qui s’élève au-dessus du niveau de leur intelligence.

Ainsi, l’opinion républicaine avait acquis une puissance réelle. Dans le parlement, il fallait désormais compter avec elle dans la presse, elle était représentée avec éclat, non plus seulement par la Tribune, la Révolution et le Mouvement, mais encore par le National ; enfin elle avait dans M. de Cormenin, brillant émule du fameux Paul-Louis Courier, un auxiliaire qui faisait trembler la cour.

D’autre part, la royauté perdait chaque jour du prestige qu’elle devait à son origine plébéïenne.