Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/313

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Tels étaient, à six heures du soir environ, les avantages remportés par les insurgés, et tout dans ce moment semblait leur promettre la victoire. La classe ouvrière, il est vrai, ne s’était pas encore ébranlée en masse déçus : par cette révolution de juillet qui leur avait ouvert une perspective si belle et n’avait fait qu’aggraver leurs maux, les hommes du peuple hésitaient à recommencer l’expérience ; mais l’insurrection n’aurait pu se prolonger sans les attirer invinciblement dans son tourbillon rien n’étant plus naturel que le pacte de la misère avec l’imprévu. Quant aux soldats, ils étaient en proie à une démoralisation manifeste, car le souvenir de 1830 revivait en traits de flammes dans leur esprit incertain ; ils croyaient entendre les cris de reconnaissance et d’enthousiasme qui avaient accueilli au 29 juillet, la défection du 53e de ligne ; et l’uniforme de la garde nationale, qu’ils voyaient briller dans les groupes d’insurgés, les frappait de stupeur et de respect. Dans la rue Culture-Sainte-Catherine, les sapeurs-pompiers démontèrent et cachèrent leurs fusils pour n’avoir pas à s’en servir contre une colonne qui venait s’emparer de la caserne. De leur côté, les gardes nationaux se réunissaient en petit nombre, et, quoique l’ensemble de la bourgeoisie fut opposée au mouvement, le rappel, dans beaucoup de quartiers, ne faisait qu’éveiller ce sentiment d’angoisse particulier aux guerres civiles, et même, parmi ceux qui descendaient dans la rue pour y combattre l’insurrection, les plus généreux avaient peine à se défendre de cette sympathie impérieuse qu’inspirent les grands courages. Il y en