Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/161

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le cœur moins servile que leur maître. Une agitation alarmante se déclara dans la capitale. Le pacha d’Égypte, du moins, n’aurait pas humilié à ce point devant l’aigle noir à deux têtes la majesté du croissant ! Voilà ce que beaucoup pensèrent ; et Méhémet-Ali compta dans le divan plus d’un partisan caché. Mahmoud, d’ailleurs, semblait prendre je ne sais quel téméraire plaisir à braver son peuple. Au moment même où il lui donnait le spectacle d’un abaissement sans exemple, il se livrait avec des chrétiennes à de profanes amours et, plus hardi de jour en jour, il insultait aux vieilles croyances en se plongeant dans l’ivresse. On eût dit qu’il voulait s’étourdir sur sa faiblesse à l’égard de l’étranger, en redoublant d’audace à l’égard de la nation ; sortes de dédommagements naturels aux âmes qui se partagent entre. la pusillanimité et l’orgueil !

M. de Varennes s’empara de toutes les ressources que lui offrait ce concours de circonstances. Il réchauffa ce qu’il y avait encore de patriotisme dans le divan ; il entretint dans des sympathies toutes françaises le reis-effendi, dont il possédait l’amitié et qui était l’ennemi secret des Russes ; enfin, il fut heureusement servi dans sa lutte contre M. de Boutenieff, ministre plénipotentiaire de Russie, par la mort d’Antoine Franchini, drogman[1] fameux dont les services étaient fort utiles au Cabinet de Saint-Pétersbourg.

Méhémet-Ali avait fait savoir qu’il n’était pas éloigné de traiter avec la Porte : M. de Varennes

  1. Interprète.