Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/19

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Effrayée par cette évocation de vains fantômes, la Chambre abandonna aux ministres le soin de décider, sous leur responsabilité, mais selon leurs caprices, du sort de la duchesse de Berri.

Ainsi, de l’urne même où les lois prennent naissance, on faisait sortir l’arbitraire et toutes ses témérités ; la légalité, si ardemment soutenue par Casimir Périer, faisait place à la raison d’état, hypocrisie du despotisme ; les intérêts de la politique, qui changent et passent, se substituaient aux droits de la justice, qui sont éternels ; le jury, dont on avait proclamé si fastueusement la sainteté, on le dénonçait maintenant comme un pouvoir accessible aux faux ménagements, à la corruption, à la peur ; le principe de l’égalité devant la loi, inscrit dans la charte sans réserve, on le sacrifiait à un genre d’inviolabilité qu’on n’avait pas respecté lorsqu’il s’était agi de prendre une couronne, et qu’on respectait quand il n’était plus question que de venger la société offensée ; enfin, et par une contradiction monstrueuse, un gouvernement qui se disait appuyé sur les vœux de la nation se déclarait trop faible pour affronter les suites d’un procès, et paraissait craindre que ce ne fut pas assez d’une armée sur le passage d’une femme deux fois vaincue et prisonnière ! C’était du vertige.

Aussi les légitimistes furent-ils saisis de joie ; et pendant que le parti républicain s’abandonnait, contre le pouvoir, aux transports d’une sombre colère, eux, relevant la tête, ils se répandirent, sur les discours de MM. Thiers et de Broglie, en commentaires pleins de fiel et d’orgueil ; ils appelèrent