Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/200

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rent réagir contre cette tendance, mais ils la combattirent avec excès. Victimes d’une honorable illusion, ils s’imaginèrent qu’en Italie, où le peuple n’a pas la puissance de l’extrême misère, un appel à l’indépendance suffirait pour faire sortir de terre des bataillons de citoyens ; ils crurent que l’Italie, énervée par un long esclavage que le bien-être matériel dissimulait, trouverait néanmoins en elle la vigueur nécessaire pour substituer son initiative révolutionnaire à celle, de la France, et conduire vers la démocratie la marche du monde. L’erreur était grande et devint funeste. Les chefs de la conspiration se virent arrêtés à chaque pas par l’inexpérience, la méfiance, le défaut d’énergie, l’incertitude, fruits amers de quatre siècles d’espionnage et de servitude. Le gouvernement sarde n’ignorait pas qu’on l’entourait d’embûches, et il veillait. Une circonstance, insignifiante en soi, le mit sur la voie du complot. Deux sous-officiers artilleurs, dont l’un avait reçu de l’autre des ouvertures, se prirent de querelle au sujet d’une femme et tirèrent le sabre. On les arrêta, et, au moment de l’arrestation, l’un d’eux murmura des paroles de vengeance qui étaient un commencement de révélation. Le gouvernement fit faire aussitôt des perquisitions dans les sacs des artilleurs. Quelques fragments d’imprimés, une liste de noms sont trouvés : les arrestations commencent. La terreur est à Gènes, à Turin, à Chambéry. Pour obtenir des révélations, on ose tout : les amis sont, par de-mensongères promesses, sollicites à trahir leurs amis ; on fait servir d’encouragement à l’infamie des dénonciations la tendresse alarmée des