Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/221

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population, qui recule étonnée ; ils frappent sans choix, ils frappent au hasard, ajoutant l’insulte à la cruauté, et se vengeant de l’horreur qu’ils inspirent par des brutalités sans nom. Alors chacun de se précipiter. La rue Neuve-Vivienne est encombrée de fuyards qui remplissent l’air de leurs cris. Des femmes sont renversées et foulées aux pieds ; des enfants tombent sous le bâton et teignent le pavé de leur sang ; des promeneurs paisibles se sont vus assaillis par des forcenés qui les terrassent, les meurtrissent de coups, trépignent sur eux ; un commissaire de police veut arrêter le cours de ces abominations : son autorité est méconnue ; il insiste : on le menace. Et M. d’Argout, M. d’Argout lui-même est sur le théâtre où se joue le drame. On fait avancer de la cavalerie ; mais à l’aspect de leurs hideux auxiliaires, les cavaliers rougissent de honte ; et c’est d’un geste bienveillant, c’est avec des regards amis qu’ils poussent devant eux la multitude.

L’indignation, à Paris, fut universelle. Au nombre des blessés se trouvaient beaucoup de citoyens attachés au gouvernement ; chaque classe de la société, chaque opinion, avait fourni des victimes ; la population tout entière se sentit humiliée ; par pudeur, le Journal des Débats garda le silence ; et M. Salverte, montant à la tribune, somma ministre de rendre compte au pays de ce vil guet-à-pens. M. d’Argout, qui ne manquait ni de fermeté ni d’esprit, resta écrasé, pourtant, sous le poids de l’accusation. Il déclara que c’était pour mieux distinguer l’innocent du coupable qu’on employait des agents de police dé-