et ces trois derniers éprouvaient pour toute tentative hasardée une répugnance dont ils ne se cachaient pas. Naturellement ennemi des allures démagogiques et accoutumé à ce qu’il y a de régulier dans la discipline militaire, Armand Carrel assistait avec un trouble secret au spectacle de ces passions déréglées dans leur force et toujours à la veille de dépasser leur propre but. Et cependant, il avait la vue trop perçante pour ne pas apercevoir tous les éléments de puissance cachés à demi dans un tel désordre. Si les exagérations de certains hommes l’alarmaient, il y avait, en revanche, dans la vigueur de leur essor, quelque chose qui plaisait à son courage et remplissait d’émotion son âme passionnée. Souvent il fut sur le point de rompre en public avec eux mais au moment de les attaquer dans le National, son organe, il s’arrêtait tout-à-coup, hésitait, puis renonçait à son dessein, ne voulant pas donner à l’ennemi commun la joie de triompher de la désunion des républicains, et préférant, après tout, le tumulte à l’égoïsme, une colère irréfléchie à une basse insolence, les fautes des rebelles enfin à la sagesse menteuse des oppresseurs.
À cette diversité dans la manière d’apprécier l’énergie du mouvement à imprimer au parti républicain, se joignaient des dissidences d’opinion fort sérieuses. M. Godefroi-Cavaignac dans le Comité de la Société des Droits de l’Homme, M. Armand Marrast dans le journal la Tribune, professaient, sur le principe d’autorité, par exemple, et sur la centralisation, des idées que ne partageaient entièrement, comme nous l’avons déjà dit, ni M. Armand Carrel,