Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/272

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dans un court voyage, son retour à Lyon devait être devancé par la lutte ; et M. Poujol était mourant. Aussi le comité aurait-il envisagé la situation avec plus d’effroi que d’espoir, sans la confiance que lui inspirait l’attitude des troupes. Et il est certain que l’esprit de révolte leur avait été soufflé avec une efficacité redoutable. Le comité des Droits de l’Homme entretenait des intelligences dans presque tous les régiments, dans le corps d’artillerie surtout ; et les relations étaient si étroites, que M. Baune en était venu à savoir, heure par heure, la direction et le but des mouvements militaires.

Tel était l’état des choses et des esprits lorsqu’arriva le 5 avril, jour du jugement des mutuellistes arrêtés. Pour glorifier la conduite de leurs chefs et peut-être effrayer les juges, un grand nombre de mutuellistes se sont rendus sur la place Saint-Jean, où est situé le tribunal correctionnel. Du reste, ce n’est encore qu’une démonstration, et il est convenu qu’on se gardera soigneusement des agents provocateurs. Mais la présence d’un témoin accusé de mensonge et l’insolence d’un gendarme imprudent ont suffi pour soulever la multitude. Le procureur du roi accourt : on l’insulte, on le heurte ; le gendarme est poursuivi avec menace et des soldats paraissant, « A bas les baïonnettes ! » s’écrient les ouvriers. Les soldats se rendirent à cette sommation, et quelques-uns d’entr’eux allèrent jusqu’à fraterniser avec le peuple sur la place Saint-Jean et dans la cour du palais.

Ce jour-là même, un mutuelliste était mort ; et, le lendemain, huit mille ouvriers, accompagnant la