Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/284

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rosité par son courage. Tel était l’esprit qui animait l’insurrection : Carrier et Gauthier à la Croix-Rousse, Réverchon à Vaise, Despinasse à la Guillotière, tous surent, par leur modération et leur humanité, honorer la cause qu’ils défendaient au péril de leur vie.

Cependant la lutte continue, laissant la victoire incertaine et multipliant, d’heure en heure, les désastres. Une interruption si prolongée des relations de chaque jour est venue ajouter des angoisses nouvelles à la détresse permanente du peuple ; et, dans quelques quartiers reculés, des citoyens s’en vont faisant ides quêtes et criant d’une voix lamentable : « Du pain pour les pauvres ouvriers ! » Mais ailleurs, dans le voisinage des troupes, tout est désert et si la fusillade s’arrête tout-à-coup, si l’appel lointain des cloches vient à s’interrompre, si les caissons cessent un instant de rouler sur le pavé, ce qui succède à ces bruits de destruction, c’est un silence de mort, un effroyable silence ! Pas un cri ne s’échappe du fond des maisons, fermées et muettes comme des tombeaux ; car, par toute croisée qui s’ouvre, la mort pénètre. La circulation a été interdite d’une manière absolue, mesure extrême qui fait de chaque passant un rebelle ; et quiconque franchit le seuil de sa porte devient un point de mire pour les soldats. Des femmes, des enfants, des vieillards, furent tués sans pitié au détour des rues. Un frère fut renversé par une balle sur le cadavre de son frère qu’il avait vu tomber et qu’il relevait en pleurant. Aussi l’intérieur de beaucoup de maisons présenta-t-il bientôt un spectacle