son âme tout entière. Il n’hésitait pas à y déclarer qu’il échangerait volontiers contre l’honneur d’avoir consolé tant de pauvres mères, une partie du renom guerrier qu’il avait acquis sur les champs de bataille, au prix de son sang. La note se terminait par le récit d’une anecdote caractéristique et touchante. Après la victoire de Marengo, Bonaparte demandant à ses officiers à quelles causes ils attribuaient ses succès, les uns parlèrent de son habileté dans la direction des affaires du dedans, les autres de ses batailles gagnées ; mais lui : « Tout m’a réussi, répliqua-t-il, parce que je suis pour tout le monde une vivante amnistie. »
La leçon était frappante et les circonstances la rendaient solennelle. Car enfin, l’amnistie n’était-elle pas impérieusement commandée, même par cette politique qui se fait gloire d’être sans entrailles ? Y avait-il prudence à remuer les cendres de la guerre civile, à faire discuter devant le peuple attentif la révolte du pauvre contre le riche, à indiquer de quelle sorte on ébranle la fidélité militaire, à souffler sur tant de haines mal éteintes ? Et quelle folie de conduire la foule dans cette rue Transnonain toute remplie d’assassinats, devant ce fatal et trop célèbre numéro 12 ?
Inutiles considérations ! On voulait paraître fort ; on tremblait de se montrer pusillanime. Et puis, s’il faut tout dire, on enviait au président du Conseil l’honneur d’avoir fait prévaloir un système que l’opinion n’attribuait qu’à lui seul. L’amnistie décrétée, les amis du maréchal n’auraient-ils pas crié partout : « M. Gérard l’emporte enfin ; il a vaincu