Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/10

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pudente. Il s’agitait beaucoup pour qu’on ne remarquât que lui seul, insultant d’un geste familier ceux qu’il connaissait, et jouissant avec affectation de son odieuse importance.

Le second était un vieillard malade et blême. Toutefois, à l’austérité de sa physionomie, à son œil plein d’une flamme sombre, au calme implacable de sa face romaine, on devinait son cœur. Il s’avança lentement, s’assit à la place désignée sans donner le moindre signe d’émotion et, la tête penchée sur sa main amaigrie, il demeura immobile, le regard fixe, indifférent à ce qui l’entourait, et comme plongé dans la contemplation du monde intérieur.

Le troisième ne se détachait de ses compagnons que par l’excès de son abattement.

On procéda aux interrogatoires. Mais, avant d’aller plus loin, il faut reprendre l’affaire au point où nous avions dû la laisser dans le volume qui précède.

Le lecteur connaît les détails de l’horrible catastrophe qui, le 28 juillet 1835, avait épouvanté Paris. Quelques instants après l’explosion, une jeune fille venant de l’hospice de la Salpétrière traversait le boulevard, à la hauteur du jardin Turc. Une pâleur mortelle couvrait ses joues, et son regard effaré semblait interroger les passants avec angoisse. Arrivée au no 50, et apprenant que c’était de là qu’était partie l’explosion, elle revint sur ses pas précipitamment, regagna la Salpétrière et ne s’y arrêta que le temps nécessaire pour changer de vêtements. Elle pleurait, elle tremblait, et ne cessait de répéter d’une voix étouffée « Je suis perdue ! » C’était la maîtresse de l’assassin: Nina Lassave.