Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/111

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avaient servi un autre gouvernement que le sien. Ainsi, chose singulière ce qui lui déplaisait le plus dans M. Guizot, c’était son voyage à Gand. Il lui reprochait, au fond, de n’être pas assez bleu, et il lui échappa plus d’une fois de dire « M. Guizot me décolore » .

Ce fut de son côté, pourtant, qu’il résolut de se tourner.

Malheureusement, M. Guizot avait pour ami et pour collègue nécessaire le duc de Broglie, dont la Cour ne voulait à aucun prix. Détacher ces deux personnages l’un de l’autre devint donc la grande affaire du moment. M. Guizot se vit entouré de caresses soigneusement étudiées. À lui seul revenait désormais la gloire d’assurer la politique du 11 octobre par la conservation de la paix ; mais, pour se rendre propre à bien remplir une aussi haute mission, il devait avoir le courage de sacrifier ses affections personnelles au bien de l’État, en se séparant de M. de Broglie, homme raide, orgueilleux, que la diplomatie n’aimait pas et qui pouvait tout compromettre. M. Guizot se défendit pendant quelque temps. Outre qu’il s’agissait pour lui de s’abaisser à ses propres yeux par une espèce de trahison qui n’était pas exempte d’ingratitude, il sentait bien au fond qu’il allait commettre une faute et perdre à jamais un appui sans lequel il ne lui serait plus donné d’exercer le pouvoir qu’en sous-ordre. L’impatience de son ambition finit par l’entraîner, et le roi eut un jour la satisfaction de lui entendre dire « À dater de ce moment, votre majesté peut me considérer comme libre. »