Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/15

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Devant M. Lavocat, Fieschi se composa un rôle dont la suite dévoila bien l’hypocrisie. Il exagéra, il enfla d’une manière étrange l’expression de sa reconnaissance il l’étala orgueilleusement, et il en vint à croire qu’elle lui serait une sauve-garde. Alors, pour que l’homme dont il attendait protection acquît la puissance et le crédit nécessaires, il en fit le sauveur du roi. « Au moment d’accomplir le dessein fatal, disait-il, j’ai aperçu mon bienfaiteur, je me suis troublé ; et la machine, abaissée de deux ou trois pouces, a manqué le but. »

Quant aux révélations qu’on lui demandait, il s’y refusa d’abord, fuis, abordant les demi-confidences, il promena les juges instructeurs dans un dédale de contradictions, de subterfuges, de réticences, de mensonges. On dut penser qu’indirectement il marchandait le prix de ses aveux, et l’on s’oublia jusqu’à faire luire à sa vue la promesse d’une grâce qu’on était décidé à ne pas lui accorder[1]. M. Lavocat contribua-t-il à l’entretenir dans le lâche espoir de racheter sa vie en trahissant ses complices ? Nous croyons pouvoir affirmer le contraire. Mais ce qui est certain,— et l’on en verra plus bas la preuve, — c’est que Fieschi conserva jusqu’à la fin la conviction qu’au moment décisif sa tête serait refusée au bourreau. Ce qui est encore certain, c’est que les représentants de la justice ne dédaignèrent pas de spéculer sur la vanité de ce malheureux. On l’entoura d’égards dont l’artifice égalait à peine le

  1. On lit page 113 des interrogatoires: « Vous devez tenir à votre famille et à la vie Il n’y a pas d’autre moyen d’être utile à vos enfants et à vous-même que de dire la vérité. »