Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/264

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vantage d’une supériorité apparente, et le dédain qu’il affectait à l’égard du chef des infidèles était un calcul de sa politique musulmane. Le jour commençait à baisser, l’émir ne paraissait pas ; et, pendant que, tourné en gaîté, le mécontentement des troupes s’évaporait de toutes parts en vives saillies, le général Bugeaud avait peine à dissimuler sa colère. Enfin, l’approche des Arabes est annoncée. À l’instant même, les tambours rappellent, les faisceaux se rompent, chacun court à son poste. Mais, à une lieue de notre avant-garde, Abd-el-Kader s’était arrêté. Ce fut alors auprès du général une succession de messages ayant pour but de lui apprendre que l’émir était malade, qu’il n’avait pu se mettre en route que fort tard ; qu’il serait bon, peut-être, de renvoyer l’entrevue au lendemain… À bout de patience, et oubliant la dignité de son rang pour n’obéir qu’aux impétueux conseils de son dépit et de son courage, le général Bugeaud laisse au général Laidet le commandement des troupes, et, suivi de son état-major, il se porte en avant.

Presque entièrement composée de cavalerie, l’armée d’Abd-el-Kader figurait un immense triangle, dont les angles mouvants s’appuyaient à trois collines. Arrivé au milieu des avant-postes, le général français vit venir à lui un chef de tribu, qui lui montra un coteau sur lequel était l’émir. « Je trouve indécent de la part de ton chef, dit le général Bugeaud à l’Arabe, de me faire attendre si longtemps et venir de si loin. » Et il s’avança résolument. Alors parut l’escorte de l’émir. Jeunes et beaux pour la plupart, les chefs arabes étalaient