Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/276

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patience et de joie. Le ciel était radieux ce jour-là. Commandée par Lamoricière, la première colonne, au milieu de la plus vive fusillade, gagne le rempart au pas de course. Voilà les Zouaves debout sur la brèche ; et le drapeau tricolore, qu’y plante le capitaine Garderèns, est salué par de victorieuses acclamations. Mais le danger restait caché dans le triomphe. Tandis qu’à droite et à gauche, les sapeurs du génie se fraient un passage le long des murs, leurs compagnons se trouvent devant un dédale de maisons en ruines et d’impasses mystérieuses d’où s’échappe une grêle de balles. On avance pourtant, on s’attache à l’ennemi, dans une mêlée meurtrière et furieuse. Soudain, un pan de mur s’écroule qui étouffe et enterre nombre d’assaillants. Bientôt une mine éclate ; un tourbillon de flamme et de fumée s’élève et, par un phénomène étrange, effroyable, plusieurs de nos soldats sentent que tout autour d’eux l’air s’embrase ; ils respirent le feu une douleur âcre et cuisante les dévore ; leurs vêtements consumés laissent leur chair à nu ; leurs paupières sont brûlées ; d’éternelles ténèbres les environnent. Ce fut un spectacle déchirant que celui de ces malheureux. Quelques-uns déliraient, défigurés à tel point, que leurs amis mêmes ne les pouvaient reconnaître, et ils allaient s’agitant semblables à des spectres.

Constantine, du reste, s’ouvrait de toutes parts aux flots des assaillants. D’intrépides canonniers turcs gisaient au pied d’une de leurs batteries conquise. On luttait de porte en porte, à travers des rues si étroites, que les maisons se faisant face se touchaient