Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/278

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reçut deux balles dont l’une lui traversa la poitrine. Alors se passa une scène digne des temps héroïques. Invincible à la douleur, le colonel Combes s’avança vers le duc de Nemours pour lui rendre compte de la situation. Son pas était assuré, son visage calme à le voir, nul ne se fût douté qu’il marchait portant la mort dans sa poitrine. Il s’exprima noblement, avec simplicité, sans parler de lui autrement que par cette allusion mélancolique et sublime : « Ceux qui ne sont pas blessés mortellement jouiront de ce succès. » On l’emporta près de rendre l’âme. Ses dernières paroles furent adressées au général Boyer, son ami : « Recevez mes adieux, lui dit-il. Je ne demande rien à mon pays pour ma femme, pour les miens ; mais je lui recommande les officiers de mon régiment dont voici les noms… » La mort l’interrompit. On raconte que, pendant la prise de Constantine, Ahmed, du haut d’une montagne voisine, assistait à ce solennel spectacle de sa puissance abattue. Frappé sans retour par le destin, il ne fut pas maître de sa douleur, et des larmes dit-on, coulèrent de ses yeux. Toutefois, il ne renonça pas à la douceur de vivre ; il tourna bride et son cheval l’emporta.

La première pensée des nouveaux maîtres de Constantine fut pour les blessés. Confiés au docteur Baudens, ils eurent pour hôpital une des plus belles maisons de la ville, celle qu’occupait le kalifa du bey. Le palais d’Ahmed, dont un nègre ouvrit les portes aux vainqueurs, renfermait de riches tapis, des chevaux magnifiques, beaucoup d’esclaves ;