Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/440

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lères furieuses. Il s’étonnait, il s’irritait, lui qui d’un geste faisait tomber à ses pieds ses sujets tremblants, lui, le successeur du Prophète, d’avoir à traiter avec un soldat macédonien. Entre la tutelle menaçante de la Russie et la révolte toujours imminente du vice-roi, il étouffait. Tout lui faisait horreur dans Méhémet-Ali : sa puissance formée des dépouilles de la Porte, sa gloire de novateur, son génie, la renommée guerrière de son fils et jusqu’à cette froide modération dont il devinait bien le mensonge et l’injure. Comment aurait-il commandé à son agitation ? Son empire lui échappait, lambeau par lambeau. La Servie s’était victorieusement insurgée, la Valachie et la Moldavie en étaient venues à relever de St-Pétersbourg, un prince bavarois régnait sur la Grèce affranchie, la France avait Alger, Méhémet-Ali avait l’Egypte ; et, après tant de démembrements successifs, on demandait à Mahmoud de se résigner à la perte de la Syrie de souffrir que, du magnifique héritage des kalifes, il ne lui restât que Constantinople, dont les clefs étaient dans la main des Russes ! Il lui en coûtait aussi de n’avoir pu réformer son peuple en magicien, d’un coup de baguette. Car le moindre obstacle est un supplice à qui ne connaît point de bornes à son orgueil, et c’est le châtiment du pouvoir absolu de désirer l’impossible. À la tête des vieux Turcs, sourdement hostiles aux innovations du sultan, marchait Pertew, noble et rigide vieillard renommé pour sa piété musulmane. Il fut disgracié, envoyé à Andrinople, et, enfin, condamné à mourir par un firman que ses ennemis arrachèrent à