Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/46

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dans un pays comme le nôtre, la monarchie n’avait rien à emprunter à de gothiques majestés ; qu’elle n’était possible, si elle Fêtait, qu’à la condition de se suffire ; qu’une Française fille de quelque grand citoyen valait bien, pour un prince français, une princesse issue d’un sang étranger, d’un sang ennemi que Rome avait dominé les nations pour avoir cru le moindre des citoyens de Rome supérieur en noblesse au plus auguste des rois ; que Napoléon, en poursuivant, par une mesquine vanité de parvenu, l’alliance des Césars germaniques, avait abdiqué moralement aux yeux du monde et préparé sa chute. Voilà ce que M. Thiers, ou ne comprit pas, ou n’osa pas dire. Il se contentait de faire observer qu’il n’y avait pas lieu de se hâter que les parvenus devaient se marier tard, parce qu’ils augmentaient ainsi la part des bonnes chances ; que, dans tous les cas, il fallait jeter les yeux sur une petite princesse d’Allemagne, pourvu qu’elle eût du sang de roi dans les veines. Les objections de M. Thiers n’allèrent pas au-delà, et l’on n’eut pas de peine à vaincre sa résistance. Soit esprit de conduite, soit conviction, le roi, devant son ministre, ne s’était jusqu’alors qu’à demi associé aux désirs ambitieux du duc d’Orléans et il en était résulté, entre le père et le fils de légers indices de désaccord. Un jour, prenant M. Thiers à part, madame Adélaïde le pressa de mettre fin à des hésitations qui jetaient, disait-elle, un certain trouble dans la famille. Et M. Thiers céda. Au fond, il n’était sans doute pas taché de marquer son passage aux affaires par un événement notable. Et puis, comment ne se serait-il pas senti