Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/509

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d’une maladie qui survient, d’une commande qui cesse, d’un procédé nouveau qu’on invente ; partout où l’enfant du pauvre est forcément arraché à l’école où on l’instruirait, pour être enseveli vivant dans l’atelier où on l’exténue ; partout où la liberté de la presse n’existe qu’au profit de ceux qui peuvent payer un cautionnement monstrueux ; partout enfin où il y a des enfants de sept ans qui travaillent douze heures par jour pour vivre, des filles de seize ans qui pour vivre se prostituent, des vagabonds qu’on ramasse endormis sur les marches d’un palais inhabité, des infanticides par misère, des journaliers que la découverte d’une machine jette affamés sur la place publique, des milliers de travailleurs qui se lèvent un jour, la pâleur sur le front, la rage dans le cœur, et qui marchent au combat avec ce cri : vivre en travaillant ou mourir en combattant.

Et, dans ceci, la faute n’est point aux hommes, elle est aux choses. La tyrannie féodale se composait de noms propres ; on la voyait en face ; on la touchait du doigt. Rien de semblable dans cette tyrannie qui n’est que la liberté mal comprise. Mystérieuse, impersonnelle, invisible, insaisissable presque, elle enveloppe le pauvre, elle l’étreint, elle l’étouffe, et ne lui permet pas même de se rendre compte du mal sous lequel il se débat misérablement et succombe.

Aussi, la destruction d’un semblable despotisme est-elle une affaire de science, non de révolte. C’est le principe qui est impie, c’est la situation qui est coupable. On ne se venge pas d’un principe, on le