Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/56

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bat où la religion de sa parole était invoquée, il n’avait pas voulu s’associer à un mensonge. Son dégoût des hommes et de la vie s’en accrut. On sait le reste.

Les ministres se hâtèrent de dérober aux regards de la multitude un homme qu’il était difficile d’avilir suffisamment et avec profit. Dès le 25 juin, la Chambre des pairs avait été constituée en Cour de justice, et l’on procéda sans retard aux interrogatoires. Alibaud répondit aux diverses questions qui lui furent adressées, avec beaucoup de politesse et d’énergie. Il avait déjà dit « Le chef de la conspiration, c’est ma tête ; les complices, ce sont mes bras. » Il ne prononça pas un mot qui ne se rapportât à cette déclaration. Par une réserve attentive, il protégea contre tout soupçon les personnes même qui n’avaient eu avec lui que des relations éloignées. Quant à lui, il se montrait inaccessible au repentir. Il y eut un moment, toutefois, où sa fermeté l’abandonna. Ayant été amené à parler de sa famille, le malheureux se sentit tout-à-coup saisi d’un grand trouble, les paroles expirèrent sur ses lèvres, son visage s’altéra d’une manière étrange, et il se mit à pleurer. Voici ce qu’on lit dans l’instruction (interrogatoire du 27 juin 1836) :

« M. Pasquier : Ayant échoué dans vos tentatives, qu’avez-vous fait ?

Alibaud : Ma famille est partie pour Perpignan, où elle réside actuellement. »

(Ici l’interrogatoire a été suspendu pendant quelques minutes par les larmes et les sanglots du prévenu.)

M. Pasquier : L’affliction que vous témoignez