Page:Blanc - Histoire de la révolution française, 1878, tome 1.djvu/14

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et le mesure, il m’apparaît immense. Et quelle formidable, quelle sanglante histoire !… Mais, loin de nous consterner, que ces souvenirs de deuil nous rassurent ! Si la partie intellectuelle de l’œuvre à accomplir nous est désormais réservée, c’est parce que les hommes de la Révolution en ont pris pour eux la partie funeste. Cette mansuétude de mœurs au nom de laquelle nous avons souffert qu’on voilât leurs statues, cœurs pusillanimes et ingrats que nous sommes, ce sont eux qui nous l’ont rendue facile, par les obstacles qu’ils ont affrontés à notre place et surmontés pour notre compte, par les combats dont ils nous ont dispensés en y périssant. Leurs violences nous ont légué ainsi des destinées tranquilles. Ils ont épuisé l’épouvante, épuisé la peine de mort ; et la terreur, par son excès même, est devenue impossible à jamais.

À son début, la Révolution n’eut rien de sinistre. Ce ne furent, d’abord, que transports de joie couvrant les agitations de la place publique et saluant les lois nouvelles. Mais quelle est cette Assemblée qui se forme dans l’orage ? Les hommes qui la composent représentent toutes les forces et tous les intérêts de l’humanité, ses ressentiments, ses douleurs, ses espérances. Que veulent-ils ? Venger le monde et le refaire. Cependant, que d’obstacles et quels dangers ! Dès leurs premiers pas, ils sont au plus épais des trahisons et des complots. Du fond de ses campagnes émues, du fond de ses villes soulevées, la France leur envoie, mêlés à des hymnes d’enthousiasme, des avertissements et des clameurs de guerre civile. L’Europe, qu’ils