Page:Blanc - Histoire de la révolution française, 1878, tome 1.djvu/49

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preuve jusqu’ici, et vainement, prendra fin : elle a trop enflé l’orgueil des ennemis de l’Évangile[1]. » Alors parurent coup sur coup des livres que s’arrachait l’Allemagne, livres pleins d’une colère sublime et d’un trivial délire, étranges, monstrueux, mais irrésistibles, par où se montraient le mystique et le bouffon, le pamphlétaire et le prophète.

Plus de trois siècles se sont écoulés depuis Luther. Et, aujourd’hui encore, c’est par les sacrements que la domination de l’Église s’exerce et se maintient. Par les sacrements, l’Église possède l’homme, du berceau à la tombe. Né à peine, elle se hâte de l’appeler dans le temple, le baptise, le fait le sien. Enfin, elle le marque de son signe. Adulte, elle le déclare époux et l’autorise à devenir père. Coupable, elle l’interroge, le condamne ou l’absout. Mourant, elle promène sa main sur lui, comme pour s’emparer de son agonie. Mort, elle le confie à la terre, et, même au delà du cercueil, elle le poursuit dans les régions éternellement ignorées. C’est ce prodigieux empire que Luther essaya de miner dans son livre de la Captivité babylonienne de L’Église. Il réduisit les sacrements à trois : le baptême, la pénitence, l’eucharistie ; et il en faisait consister la vertu dans la foi du chrétien, non dans l’intervention du prêtre[2] . Ce livre redoutable n’avait pas encore paru lorsque la bulle qui frappait Luther arriva en Allemagne. Et lui, enflammé de colère, il résolut d’étonner les hommes.

Le 10 décembre 1520, des affiches annoncèrent à la jeunesse de Wittemberg qu’à neuf heures du matin, vers la porte orientale, un grand spectacle allait être donné. L’heure venue, on se mit en marche. La foule était immense. Un bûcher s’élevait sur le lieu désigné : un professeur célèbre y mit le feu. Puis, Luther s’approchant : « Tu as contristé le saint du Seigneur, dit-il ; eh bien, que le feu éternel te consume ! » Et

  1. « Amplius inflari hostes Evangelii. » Apud Seekendorf, p. 111.
  2. « De Captivitate Babylonica Eeclesiæ. Omn. oper. Lutheri, t. II, p. 263, A.