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SONNETS.
COQUETTERIE.

Dût-elle après le bal ployer sous ses tourments,
Eût-elle au fond de l’âme une douleur cruelle,
Qu’importe ! il faut d’abord que la femme soit belle,
Et que son front scintille au feu des diamants.
Il faut que ses cheveux, son cou, ses bras charmants
Se parent de bijoux, de fleurs et de dentelle ;
Qu’elle voile en riant, d’une grâce immortelle,
Son cœur navré d’angoisse et de déchirements.
Un insecte rongeur dévore tes pétales,
Beau lis, dont les boutons au matin sont ouverts ;
Rien n’accuse au dehors tes souffrances fatales.
Qu’importe que ton cœur soit meurtri par les vers ;
Il faut briller et vaincre entre les fleurs rivales,
Dût ta dépouille au soir s’envoler dans les airs !

A ÉMILE GRIMAUD.

Va, sonnet, va trouver, au fond de sa Vendée,
Le poète enchanteur qui m’a donné des vers ;
Et, quand le renouveau fleurira les prés verts,
Chante-lui ta chanson joyeusement brodée.
Voltige, oiseau jaseur ! Par les sentiers couverts,
Par la prairie humide et de pommiers bordée,
Par la plaine qui fuit, de moissons inondée,
Suis-le ! mêle tes chants à ses charmants concerts.
Et toi, Poète, et toi, couché sous le feuillage
Du troëne odorant, ce rustique lilas !
En respirant le thym et le genêt sauvage,
Si tu penses à moi quelquefois, tu diras :
— Entendez-vous l’oiseau qui gémit au Bocage^
C’est la voix de l’ami que je ne connais pas.