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Page:Blandy - L Oncle Philibert.djvu/198

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Pendant qu’on s’occupait ainsi de Vittorio dans le domaine des Ravières, le pauvre enfant cheminait par les sentiers des vignes dans la direction de Tournus. Qu’allait-il devenir ? il l’ignorait lui-même. Il marchait assez vite, ayant hâte de fuir le village dont un mot cruel l’avait chassé. Pourtant il n’avait pas de rancune contre le maître des Ravières, qui était bien dans son droit, après tout, en refusant de se charger d’un enfant inconnu ; mais sa décision avait frappé Vittorio en plein cœur.

Après avoir perdu son seul protecteur au monde, Vittorio, en effet, n’avait pas entrevu d’autre solution au problème de sa destinée que celle de demeurer aux Ravières, parmi ces gens qui l’aimaient. Il s’y serait rendu utile aux travaux des champs pendant le jour, se retrouvant le soir auprès de Paul et d’Alice, et travaillant à son instruction le dimanche, avec l’aide bienveillante de Philibert Chardet, car il n’avait pas douté un instant de la répugnance qu’aurait la Bourbonnaise à le reprendre chez elle.

À la place de cette solution tant désirée, l’enfant avait devant lui la perspective d’un complet abandon. Il devait errer seul, désormais, par ces chemins d’où il sortait autrefois pour lui une chanson de chaque buisson, une gaie remarque de chaque rencontre, un plaisir des fatigues partagées avec Sauviac, et des gains journaliers dus au travail commun.

Il fallait ne plus compter que sur soi désormais, renoncer à tout rêve impossible d’amitié, de soutien. Bien plus, il fallait affronter bientôt l’étonnement, la défiance, les questions des étrangers auxquels il demanderait du travail. Cette nécessité s’imposait à Vittorio, et il s’effraya de se savoir ainsi lancé tout seul dans ce vaste monde, où chaque individu se sent appuyé sur un cercle de parents et d’amis. Lui était isolé, ab-