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Page:Blandy - L Oncle Philibert.djvu/203

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— Qu’est-ce que tu comptais donc faire ?

— M’offrir n’importe où pour m’occuper à n’importe quoi, enfin chercher de l’ouvrage pour gagner mon pain.

— Eh bien donc ! tu le gagneras chez moi. Tu n’es pas gauche de tes mains ni emprunté dans ton esprit, et ce n’est pas déjà tant difficile de creuser un sabot. Quant aux dernières façons, je ne dis pas, il y faut main de fin ouvrier ; mais Jean-Louis se tire de la grosse besogne, lui qui a toujours le nez en l’air et l’idée fourrée à autre chose qu’à son ouvrage. Ton apprentissage sera vite fait. Allons ! pose-moi vitement ton paquet sur ma charrette et aide-moi à la tirer, car elle est lourde. Cela fera que tu n’auras pas de honte, étant fier, de manger notre soupe ce soir ; tu l’auras bien gagnée. »

Jean le sabotier avait agi d’inspiration ; mais, bien qu’il ne se repentît pas de son bon mouvement, lorsque la charrette roula dans la rue des Effossés, où était sa demeure, il craignit les reproches de sa femme.

Sa ménagère avait fort à faire pour entretenir proprement ses six enfants. Son mari ayant fait cinq mois de maladie l’année précédente, on était en arrière pour le loyer de la maison, et c’était à crédit que le sabotier venait d’acheter, à Farges, ses deux souches de chêne. Jean se remémorait toutes ces choses, et il faisait d’avance, dans sa pensée, le plan et l’enchaînement du discours par lequel sa femme lui reprocherait son coup de tête. Il y répondait en lui-même victorieusement, cela va sans dire ; mais il n’entra pas dans sa maison sans éprouver quelque appréhension au sujet de l’accueil que la Reine Lizet allait faire au nouveau venu. Les refus de Vittorio avaient prouvé sa fierté ; sûrement l’enfant ne resterait pas sous un toit où les cœurs ne seraient pas franchement hospitaliers.