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Page:Blandy - L Oncle Philibert.djvu/213

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ne s’était jusque-là présenté à mon souvenir que tout blanc ou tout rouge.

— Comment donc ? lui demanda Alice.

— Blanc de neige, ou enflammé par l’incendie. À Marna, je revis pour la première fois comme un tableau déroulé dans ma tête. Je compris que c’était ma montagne ; elle ne ressemblait que peu à votre Marna, mais tout à coup celui-ci me l’avait rappelée. Je vis donc ses bois résineux, sur lesquels erraient des vaches blanches tachées de noir, dont les clochettes tintaient, ses ruisseaux coulant clairs dans leurs lits de cailloux étagés, et, au milieu de ce paysage, il me sembla me revoir, moi, tout petit, vêtu d’une jaquette bleue, d’un gilet rouge, gardant ces vaches en chantant à tue-tête, et m’amusant à lancer des pierres dans le torrent. Ce fut une vision très précise que le premier coup de tonnerre roulant sur Marna fit disparaître.

— Est-ce que tu es sûr que ce n’est pas là une imagination ? lui demanda Paul. Puisque tu ne connais pas tes parents, cela me ferait plaisir de croire que tu es le fils d’un prince. On voit des histoires comme cela dans les contes.

— Oui, dans les contes seulement, reprit Vittorio, qui ne put s’empêcher de sourire. Je suis tout à fait certain que ma naissance n’a rien d’illustre, comme on dit en style de fable. La preuve, c’est que le seul détail qui m’eût échappé, la physionomie de la maison paternelle, m’est revenu il y a deux mois, pendant que je feuilletais l’album de vues que l’oncle Philibert a rapporté de son voyage en Suisse. Cette maison était surement un chalet avec ses balcons découpés, son toit en auvent. Je suis du côté de la Suisse, crois-le, car, en arrivant à Mozat, je n’entendais pas le patois auvergnat, et c’est peut-être le travail qui a dû se faire dans ma tête pour le parler qui a brouillé mes souvenirs. Pendant longtemps ils ont