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Page:Blandy - L Oncle Philibert.djvu/225

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je gage qu’Alice va t’expliquer cette énigme, car la voilà qui rit.

— La Bresse, dit Alice, qui s’amusait en effet d’avoir plus de mémoire que son frère, la Bresse, ancienne terre d’empire, acquise par Henri IV sur la Savoie. N’avons-nous pas appris cela il y a huit jours ?

— Tiens ! c’est vrai, je suis un étourdi, s’écria Paul, mais je trouve singulier qu’après si longtemps les paysans gardent ces dénominations.

— C’est ainsi, dit tante Catherine qui s’effaçait toujours par modestie lorsque la voix autorisée de son mari pouvait se faire entendre, mais qui était pleine de sens, que se transmettent les vieilles traditions, à l’aide desquelles, lorsque, l’histoire n’existait pas, se reconstituait le passé dans la mémoire des peuples. Elles sont toutes intéressantes, et, avant de se moquer de ce qu’on ne comprend pas dans le langage des gens de campagne, il faut savoir si un sens n’est pas caché dans les propos que l’on trouve absurdes. Ainsi, tout à l’heure, Paul, tu marchais en avant de nous pour héler le batelier, et, quand nous t’avons eu rejoint, tu as voulu nous faire railler avec toi la vieille femme qui t’avait rencontré pendant que tu marchais seul, parce qu’elle t’avait dit : « Bonjour, monsieur, à vous et à votre compagnie. »

— Mais puisque j’étais seul ! objecta Paul, qui se remit à rire de souvenir.

— Je t’ai laissé dire sans te rien répondre, poursuivit tante Catherine, parce que je ne voulais pas m’expliquer devant le batelier. Sais-tu qui cette bonne femme saluait avec toi par une politesse poétique et traditionnelle ? Ton ange gardien, que sa foi chrétienne voyait veillant à tes côtés. Voyez-vous, mes enfants, le paysan est simple, court d’instruction tant que vous voudrez ; mais c’est en lui que résident la force, la