Aller au contenu

Page:Blandy - L Oncle Philibert.djvu/255

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

toupes un fil gros comme une petite ficelle qu’elle tournait dans ses doigts tremblants ; mais, pour être cassée par l’âge, la mère Libette n’en avait pas moins l’élocution libre. Elle conta, de ce vieux style chizerot, dont la naïveté commence à se perdre au contact du français, la chasse que mène le chéti veneur à travers les nuées par les nuits de grand vent. Elle parla du feu follet qui hante le bief Mallet dans les soirées d’automne, et elle redit la légende du loup-garou qui rôde autour de la chapelle en ruine de Saint-Humitié pour y voler la pierre trouée dont le contact guérit la surdité, mais qui en est empêché par l’apparition du saint au moment où il pose ses pieds sur le perron brûlant de la chapelle.

Ces histoires n’amenèrent sur les lèvres des veilleurs que le sourire que fait éclore un conte joliment raconté ; aussi l’aïeule retrouva sa verve pour stigmatiser l’incrédulité du temps présent.

Autrefois, dit-elle, nous tremblions quand nos mères nous contaient ces histoires ; moi en sortant de l’étable, je jetais ma cape jusque sur mes yeux pour ne pas voir le follet ni le corps sans ombre qui marche au clair de lune devant les passants attardés. Maintenant on rit de tout cela ; les jeunesses lèvent le nez contre tout, et elles se moquent des gens d’âge.

— Quand j’aurai rencontré un fantôme, dit une rieuse jeune fille, soyez sûre que je croirai aux vôtres, mère Libette. En attendant, personne ne se rit de vous ; vous avez beaucoup d’esprit, et vos histoires sont bien drôles.

— En voici une qui les vaut, dit un teilleur de chanvre ; mais elle est d’un autre tonneau ; de plus, elle m’est arrivée à moi-même.

— Y a-t-il un revenant ? demandèrent plusieurs voix.