Aller au contenu

Page:Blandy - L Oncle Philibert.djvu/274

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

t’entendre, tu baisserais de ton ; il est quatre pouces plus haut que toi, et il a bon courage et bonne conscience par-dessus le marché. Mais tu as la prudence des roquets. Tu aboies de loin, et c’est heureux pour toi.

— On verra si je n’ose pas lui dire son fait à lui-même, » s’écria Pétrus, vexé de l’hilarité générale qui avait suivi cette riposte. Puis, pour la première fois de sa vie, Pétrus pensa que la coutume chizerote qui fait se tutoyer les gens de même génération, quelque différence de fortune qui existe entre eux, est une fort sotte coutume.

Il fit bien voir, d’ailleurs, qu’il ne craignait pas de dire son fait à Vittorio, et qu’il s’entendait même fort bien en méchancetés impossibles à réprimer.

À Uchizy, comme dans toutes les villes où l’on apprécie le prix du temps, c’est l’hiver, la saison du repos, qui est l’époque des mariages. Or, deux jours après le tirage au sort, le père Billot mariait son fils le Bénicheux, qu’on savait d’avance dispensé du service militaire, vu qu’il boitait légèrement. Cette infirmité, assez fréquente à Uchizy, n’empêchait pas d’ailleurs le Bénicheux d’être un fin laboureur ; sauf un peu plus de fatigue dans la jambe droite que dans la gauche, il se tirait de ses journées de travail rustique aussi gaillardement que personne.

À eux deux, les fiancés avaient trente-sept ans, et pour toute fortune leurs bras, car le Bénicheux épousait la fille de Jean le sabotier, avec laquelle il était en amitié depuis le catéchisme. Le père Billot avait bien commencé par dire que les filles d’artisans n’ont pas l’outil aussi aisé en main pour travailler à la terre que les filles de cultivateurs ; mais la Jeanne-Marie avait prouvé qu’à défaut d’habileté, elle ne manquait pas de courage. Le père Billot avait donc cédé, dési-