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Page:Blandy - L Oncle Philibert.djvu/282

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Mais, chez les uns et chez les autres, ces sentiments furent bientôt, pour ainsi dire, relégués au second plan, lorsque les malheurs de la France vinrent émouvoir toutes les âmes françaises. Vittorio fut assez heureux pour avoir des nouvelles de ses amis, car il faisait partie des armées de province mises sous le commandement du général Bourbaki. C’est ainsi qu’il apprit la présence à Paris, pendant le siège, des mobiles chizerots que Paul n’avait pu accompagner, retenu qu’il avait été, au dernier moment, par une maladie assez grave. À peine remis, le jeune homme, qui ne pouvait rejoindre ses compatriotes enfermés dans Paris, s’était engagé dans le premier régiment venu. Il avait payé de sa personne au combat de Nuits, réalisant ainsi son vœu, qui était d’aider à éloigner l’ennemi du pays voisin où vivaient sa sœur, son grand-père, tous les siens.

À partir de ce moment, les communications furent rendues plus rares entre Vittorio et ses amis. Le jeune militaire, qui venait de gagner à la pointe de l’épée sa nomination de lieutenant, suivait alors cette retraite de l’armée de l’Est opérée à travers tant d’incidents douloureux et qui permit à la nation suisse cette œuvre de fraternité dont la France lui restera à jamais reconnaissante.

L’armée se retirait donc ; elle avait enfin gagné la frontière, lorsque le détachement de Vittorio, qui était à l’arrière-garde, s’engagea sur une route ravinée, jonchée çà et là, dans la neige souillée, de corps d’hommes qui s’y étaient couchés mourir, exténués de fatigue et de besoin, parmi pour des cadavres de chevaux.

Le jeune lieutenant relevait le courage abattu de ses soldats. Veillant aux moindres incidents de la retraite, il se tenait ferme sur son cheval, en dépit d’une blessure au bras gauche à laquelle il n’avait pas donné le temps de se