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Page:Blandy - L Oncle Philibert.djvu/285

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fermer, étant sorti de l’ambulance avant qu’elle fût guérie, tant il avait à cœur de payer à la France l’hospitalité qu’il en avait reçue. En entrant en Suisse, il s’était dit qu’il avait peut-être à saluer son pays dans ce territoire ami dont il traversait en ce moment les frontières. Saisi d’une immense pitié pour sa patrie d’adoption, il se disait que son cœur tout entier restait à la France, lorsqu’un gémissement parti d’un des bas côtés de la route parvint à ses oreilles, malgré le bruit des caissons d’artillerie roulant péniblement, les frémissements des chevaux surmenés, les cris et les imprécations des artilleurs. Du milieu de ce torrent qui l’emportait, le jeune lieutenant perçut cette plainte. Hélas ! il en avait entendu bien d’autres qu’il avait été impuissant à secourir depuis le début de la guerre ; mais ces accents lui remuèrent tellement le cœur qu’il fit faire un écart à son cheval vers le fossé ; là, mettant pied à terre, il releva dans ses bras un militaire dont la pâle figure lui arracha une exclamation de douleur.

« Tenez-moi bien, dit celui-ci d’une voix faible, je crois que j’ai la tête fracassée et la jambe brisée.

— Paul ! c’est Paul ! » disait Vittorio, qui commanda à ses hommes de faire avancer un cacolet.

Huit jours après, les deux amis étaient installés à Lausanne dans une maison hospitalière, et Paul avait enfin l’aveu du motif qui avait éloigné Vittorio d’Uchizy.

« Voilà la guerre finie, disait à son ami Paul, que les chirurgiens se faisaient fort de guérir en un mois de sa blessure à la tête et du déplacement de la rotule de son genou droit, il te faudra revenir à Uchizy avec moi. Tu as à offrir à ma sœur une situation honorable ; il n’est pas question de fortune entre nous. Ce qui est à nous est à toi. Où pourrait-elle trouver un meilleur mari et qui l’aimât mieux ? Je veux