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Page:Blandy - L Oncle Philibert.djvu/43

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— Mais voyons, dit Claude Chardet en emmenant son fils un peu loin du perron, qu’est-ce que cela signifie ? La grande salle du logis neuf est déjà éclairée. Est-ce que Catherine aurait eu la mauvaise idée d’y faire mettre le couvert ?

— Et pourquoi cette idée serait-elle mauvaise, mon père ? Ce matin, au logis vieux, les hommes étaient coude à coude à votre table.

— Qu’en sais-tu ?… Tu n’y étais pas, et c’était bien la peine de courir à la ville pour ce que tu y as fait ! Je te le dis tout net, cela me fâche de m’attabler au logis neuf. Quand je l’ai fait construire, tu te moquais de tous ceux qui disaient, selon la vieille superstition, que quelqu’un de la famille Chardet mourrait dans l’année, puisqu’on bâtissait chez nous. Et moi aussi je riais de ces prédictions ; mais, hasard ou non, le logis n’était pas terminé que celle pour qui je voulais un premier étage si beau… Ah ! Et tu veux que, ce soir, je soupe de bon cœur dans cette salle, que j’y fasse à mes hommes la mine réjouie qu’un maître de maison doit à ses invités ?… Tu m’as contrarié, Philibert, tu aurais dû me consulter avant d’aller à Tournus. Avait-on besoin si vite de cette grille ? Elle ne se rouillait pas au grenier. As-tu pas peur que mes gens boivent trop ce soir et qu’ils se cassent le cou en descendant le perron ? »

Pendant cette mercuriale, Philibert regardait dans la direction du logis neuf ; apercevant enfin Alice qui venait de toute la vitesse de ses petites jambes et Paul qui passait par-dessus les outils des ouvriers et qui descendait le perron en courant, sans songer à la douleur qu’il ressentait encore à son front bandé, il répondit doucement à son père :

« Si j’ai fait dresser la table dans la grande salle, c’est que c’est le vrai jour d’étrenner le logis neuf ; et, si j’ai obligé les ouvriers à poser la grille aujourd’hui même, c’est que les