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Page:Blandy - L Oncle Philibert.djvu/84

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Quand vous viendrez à Uchizy, madame, mon grand-père Chardet des Ravières vous rendra avec plaisir la politesse que vous nous avez faite.

— Ah ! vous êtes tous deux les enfants à la feue Marie Chardet, dit la Charlotte ; vous êtes le jeune monde de Lyon. Je suis aise d’avoir fait quelque chose pour les Chardet. À vous revoir, mes enfants ! Ne vous attardez point en route ; nous aurons, pour sur, un grain d’ici une heure. »

En effet, les arbres étaient agités par un vent de mauvais augure qui chassait devant lui les nuages fauves et noirs dans l’entonnoir où Chardonnay est gité comme un nid d’alouette au creux d’un sillon ; le ciel n’était plus qu’une coupole basse, grosse de grêle ou de pluie. Vers les coteaux et dans la direction d’Uchizy, il était encore bleu ; le feuillage des vignes verdoyait sous les rayons du soleil, et les blés, encore sur pied, ondulaient en faisant entendre leur bruissement métallique, semblable au son lointain de pièces d’or remuées.

« Allons vite, l’orage ne nous gagnera pas, si nous prenons une traverse que je connais, dit Pétrus Courot, en quittant le village. »

Paul et Alice ne connaissaient pas assez le pays pour pouvoir discuter sur le meilleur chemin à prendre ; ils suivirent donc leur camarade, qui s’engagea le premier dans un large sentier herbu. Il marchait à dix pas en avant, le frère et la sœur s’étant attardés en se communiquant leurs réflexions, qui n’étaient ni gaies pour eux-mêmes ni favorables pour leur compagnon. Tout à coup celui-ci revint vers eux, et, posant un doigt sur ses lèvres pour leur recommander le silence :

« Écoutez ! leur dit-il tout bas, quand il les eut rejoints, nous allons jouer un bon tour à des colporteurs qui sont par ici. Ce sera drôle, et nous n’en arriverons que plus vite chez nous. »