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Page:Blandy - L Oncle Philibert.djvu/97

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Celui-ci le laissait faire sans mot dire. Il paraissait rêveur, et son gros sourcil noir était hérissé sur ses yeux enfoncés.

« Tout est prêt, » lui dit Vittorio.

Alors Jacques Sauviac poussa un soupir, sauta hors de la charrette, en fit descendre Paul, qu’il conduisit près de Pétrus, et là il lui dit :

« Écoutez, il s’agit d’être raisonnable. Vous allez rester là… Tout à l’heure votre sœur va crier, mais n’ayez crainte. Je suis rebouteur, je ne lui ferai du mal que pour la guérir.

— Je ne veux pas ! je ne veux pas ! s’écria Paul.

— Il le faut, dit l’homme d’un ton impératif. Vais-je pas vous prier pour vous rendre service ? Est-ce moi qui suis allé vous chercher ? N’êtes-vous pas encore trop heureux d’être tombés chez un honnête homme capable de guérir cette enfant du mal que votre sottise lui a causé ? Je vous commande de vous tenir tranquille, et vous allez m’obéir. Voilà ce que c’est que de courir les chemins et de s’emparer de la maison des autres, car ma charrette c’est ma maison ; il faut ensuite obéir aux maîtres du logis. D’ailleurs, n’aie pas peur, mon garçon, ajouta Jacques Sauviac d’un ton radouci. Je ne voudrais faire du mal à ta sœur, car moi aussi j’ai de jolies pas petites filles dans mon pays. »

Après cette admonestation mi-bourrue, mi-paternelle, le charretier revint vers Alice, laissant Paul partagé entre l’envie d’aller défendre sa sœur contre cet homme qui allait la faire souffrir, et le désir instinctif de s’enfuir pour ne pas entendre les plaintes de la pauvre Alice.

Tout à coup, un cri déchirant domina le bruit de l’orage. Paul sentait ses jambes fléchir sous lui, lorsqu’il fut soutenu par une étreinte vigoureuse. C’était Vittorio qui l’embrassait en sanglotant, lui aussi, et il rendit à cet étranger un baiser aussi affectueux que s’il l’eût toujours connu et aimé.