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Page:Blandy - Le Petit Roi.djvu/10

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s’élevait un autel de glace orné de croix grecques dessinées avec goût par les mougiks.

Le temps était clair ; de petits nuages orangés par un soleil oblique et cardés menu par un vent du nord qui faisait trembler les aiguilles de givre pendues aux branches des sapins, pommelaient le bleu pâle du ciel ; la campagne, toute blanche, s’irisait de teintes azurées dans les plis de terrain ouatés de neige immaculée ; on n’y entendait aucun bruit que celui des pas des mougiks qui criaient sur le sentier en foulant la poussière solide, presque métallique de la neige déjà battue. – Aussi, dès que la procession sortit de l’église, avant même de voir la première des bannières brodées, avant d’apercevoir le pope revêtu de sa longue robe vert-d’eau des cérémo- nies, les mougiks entendirent la psalmodie des officiants.

La procession se déroula lente et majestueuse, et l’assertion du valet de la maison seigneuriale fut justifiée, car à peine le pope était-il arrivé devant l’autel de glace que le grincement d’un traîneau se fit entendre, et le comte Pavel Stepanowitch Alénitsine vint s’agenouiller au dernier rang de la foule des mougiks sans vouloir souffrir qu’un seul d’entre eux se dérangeât pour lui faire une place plus digne de son rang.

Après la prière, le pope se tourna vers l’assistance, et, élevant la main, il fit un signe attendu par une dizaine de mougiks des plus robustes ; — armés de haches, ceux-ci fendirent la glace aux places désignées autour de l’autel