Page:Blandy - Le Petit Roi.djvu/39

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Après le déjeuner, qui fut égayé par les saillies d’Arkadi, ils montèrent dans l’américaine dont le cheval était tenu par un cocher à longue barbe, vêtu d’un costume de fantaisie, sorte de livrée agrémentée de broderies fantastiques. Quand la voiture roula sur le pavé de briques et de cailloux, Arkadi, qui s’était modestement placé sur le strapontin de devant, dit à Suzanne :

« Si j’osais vous prier de fermer les yeux, vous verriez beaucoup mieux notre ville de Moscou. En imagination, alors ? répondit-elle. Ce serait le moyen de la trouver sans défaut.

— Arkadi a raison, chère miss, dit à son tour M. Carlstone. Ah ! si cet enfant voulait ! Il a l’étoffe d’un artiste, d’un poëte.

Et sa pauvreté constitue déjà une des conditions de l’emploi, répliqua le jeune garçon. De grâce, mademoiselle, puisque la sagesse et la folie s’unissent pour vous prier de ne rien regarder autour de vous, écoutez-les pour un quart d’heure.

— J’obéis, » répondit Suzanne. « Quel singulier petit homme ! se disait-elle pendant cette épreuve. Aucun enfant de cet âge n’aurait en France cette aisance et cet aplomb. Si mon autre élève n’est pas pire que le premier, j’aurai eu plus de peur que de mal. »

Elle se rendit complaisamment au désir d’Arkadi, et elle n’ouvrit les yeux que lorsqu’il s’écria :