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Page:Blandy - Revanche de femme 1869.djvu/139

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redouter les impérieux désirs et aussi la versatilité des gens passionnés. La tendresse de Christian était suppliante et ne s’imposait pas ; elle avait derrière elle un passé semé de frais souvenirs ; je m’enorgueillis d’avoir été la seule aimée, je me flattai de cette ambition qui est le rêve de toutes les femmes : régner sur un cœur tout à moi ! Ne me regardez pas, Paule, nous ririons comme deux augures.

Explique qui pourra les inconséquences des cœurs féminins ! Si Christian m’avait dit les mêmes choses dans mon salon, sous la clarté de six bougies, à dix pas des tables de whist, je ne l’aurais peut-être pas mieux accueilli que les hommes qui venaient égrener là leurs litanies de fadeurs ; mais soit hasard, soit esprit, il avait choisi pour son aveu la plus belle nuit du monde.

C’était en mai ; le vert tendre du feuillage traversé délicatement par les rayons de la lune avait des teintes blondes et suaves ; un vent doux, qui passait en soupirs modulés à travers les branches, faisait onduler les clartés nacrées sur le sable de l’allée et nous apportait le parfum des résédas ; sous mes pieds, la plaine étincelait avec ses lumières semblables à des lucioles ; leurs groupes épars étaient comme une réplique aux constellations semées dans le bleu du ciel ;