Page:Blanqui - Cours d’économie industrielle 1837-1838.djvu/70

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tuel, par exemple, nous avons des avocats, des médecins, des professeurs, des savants, etc. ; et dans l’ordre matériel, des fabricants de souliers, des fabricants d’habits, des laboureurs, etc. Adam Smith a cherché pourquoi cette division s’était établie dans la société, et en fouillant dans le passé et dans les événements de son temps, il a découvert, c’est le mot, ce que personne n’avait vu avant lui, et il a proclamé quels immenses avantages on retirerait du principe de la division du travail convenablement développé. Ce n’est pas à dire pour cela que la division du travail soit une innovation moderne ; bien loin de là : elle existait avant que Smith nous en eût fait apprécier l’importance et déduit toutes les conséquences ; elle existait comme les fonctions de la digestion et de la respiration avant que les médecins nous les eussent fait connaître comme la circulation du sang avant la belle découverte d’Hervey[1].

  1. Néanmoins Beccaria enseignait, dans un cours qu’il faisait à Milan en 1769, c’est-à-dire avant la publication de l’ouvrage d’Adam Smith, que la séparation des travaux était favorable à la multiplication des produits. « Chacun sait, disait-il, par sa propre expérience qu’en appliquant ses mains et son esprit, toujours sur un même genre d’ouvrages, il obtient des résultats plus faciles, plus abondants, que si chacun terminait seul les choses dont il a besoins. » — Malgré cette antériorité bien constatée, J. B. Say n’en persiste pas moins (Traité d’écon. pol p. 96 vol. 1) à faire honneur à Smith de l’idée des avantages de la séparation des occupations, parce que très probablement, dit-il, il l’avait professée avant Beccaria dans sa chaire de philosophie à Glasgow ; mais ne semblerait-il pas, d’après la paroles de Beccaria, que le principe de la division du travail était depuis long-temps tombé dans le domaine public ?… dès-lors il ne serait pas juste de considérer Smith comme auteur d’une découverte ; et il vaudrait mieux dire que l’illustre écossais est probablement le premier économiste qui ait analysé les avantages, depuis long-temps appréciés, du principe de la division du travail avec cette sagacité qui caractérise les esprits supérieurs.